Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES DENTS ET LE SANG détenaient une parcelle de pouvoir que si tel était le bon plaisir de leur maître. Dans le phantasme, en revanche, depuis le pouvoir absolu de la Grande Déesse, jusqu'à celui de la ménagère qui fait tourner une mayonnaise rien qu'en la regardant, que de mystères et de puissance ! Ce qui est peut-être le plus étonnant, sur un sujet où les raisons de s'étonner ne manquent pas, c'est que même des chercheurs sérieux, même des hommes qui écrivent pour dénoncer la misogynie ou la gynophobie, ne sont pas tellement sûrs que les femmes ne soient pas des créatures surpuissantes *. Le Dr Lederer, par exemple, qui est professeur assis- tant à l'université de Californie et membre de l'Association psychiatrique américaine, a publié un livre intitulé Gyno- phobia dans lequel il écrit : « Ces dangereux et mystérieux pouvoirs que l'homme attribue à la femme, peut-être n'existent-ils que dans son imagination ? Si quelques femmes ont eu un pouvoir réel, peut-on dire qu'il était vraiment dangereux 1 ? » (C'est lui qui souligne.) Ces deux phrases sont tout à fait typiques : qu'un * Ce qui est grave, ce n'est pas qu'elles soient représentées plus souvent comme mauvaises que comme bonnes, mais bien qu'elles soient représentées comme infiniment bonnes, ou infini- ment mauvaises ; ce qui est grave, c'est qu'elles soient symbo- liquement vécues comme c énormes ». Cela nous montre le danger qu'il y aurait à vouloir, pour réparer l'infériorisation actuelle de la femme, la supérioriser » à l'avenir ; la supério- rité, étant un attribut de la Phantasmère, serait tout aussi alié- nante que le statut actuel. 1. Dr. W. Lederer, Gynophobia ou la peur des femmes, Payot, p. 97. 267

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