Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA SOCIÉTÉ ET L'AMOUR dans les tâches sociales, et donc entretient le développe- ment de la civilisation, après en avoir permis la création. Il y a en effet une sorte d'opposition entre la vie sexuelle et la culture, car elles se disputent toutes deux la même source d'énergie, l'énergie libidinale. Or, le plus grand « dévoreur » d'énergie libidinale serait — à l'évidence - un amour fusionnel mère/enfant, puisqu'il ne laisserait, à la limite, aucune énergie disponible, celle-ci étant entiè- rement investie dans cet amour. C'est pourquoi, réprimant de son mieux toute vie sexuelle autre que celle qui sert ses buts *, la société interdit sans appel l'inceste mère/enfant. Comme l'écrit Freud : « La civilisation, pour sa part, ne tend évidemment pas moins à restreindre la vie sexuelle qu'à accroître la sphère culturelle. Dès sa pre- mière phase, la phase du totémisme, ses statuts compor- tent l'interdiction du choix de l'objet, soit la mutilation la plus sanglante peut-être, imposée au cours du temps à la vie amoureuse de l'être humain 1. » La mutilation la plus sanglante de notre vie amoureuse est donc le renoncement à la mère ; et toute civilisation qui veut vivre doit veiller, non seulement à ce que l'inceste mère/enfant soit impossible, mais encore à ce qu'il ne produise pas d'avatars. Que la civilisation tende à restreindre la vie sexuelle me semble être un truisme : ensemble ou séparément, les trois grandes autorités de tutelle : la Religion, les Cou- tumes et la Justice, n'ont cessé de voir, dans la sexualité, * Par exemple celle qui est destinée à la reproduction, ou celle qui a des visées sociales. 1. Freud, Malaise dans la civilisation, P.U.F., p. 55. 167

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