Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA PHANTASMÈRE « Ce délire destructeur du colonisé étant né des exigen- ces du colonisateur, il n'est pas étonnant qu'il y réponde si bien qu'il semble confirmer et justifier la conduite du colonisateur. Plus remarquable, plus nocif, peut-être, est l'écho qu'il suscite chez le colonisé lui-même. Confronté en constance avec cette image de lui-même, proposée, imposée dans les institutions comme dans tout contact humain, comment n'y réagirait-il pas ? Elle ne peut lui demeurer indifférente et plaquée sur lui de l'exté- rieur, comme une insulte qui vole avec le vent... L'accu- sation le trouble, l'inquiète d'autant plus qu'il admire son puissant accusateur... Souhaité, répandu par le colonisa- teur, ce portrait mythique et dégradant finit, dans une certaine mesure, par être accepté et vécu par le colonisé. Il gagne ainsi une certaine réalité et contribue au portrait réel du colonisé '°. » Et Freud écrit : « Les opprimés peuvent par ailleurs être attachés affectivement à ceux qui les oppriment, et malgré leur hostilité contre ceux-ci, voir en leur maître leur idéal ". » Les mêmes mécanismes ont joué pour les femmes ; et si l'on constate qu'elles sont encore plus misogynes que les hommes, c'est qu'elles le sont à un double titre : et parce qu'elles craignent la Mère, et parce qu'elles ont intériorisé le portrait négatif qu'on a fait d'elles. A quoi on peut ajouter — last but not least —, que si le garçon a un modèle d'identification en son père, où trouver le modèle d'identification satisfaisant pour la fille ? 20. Albert Memmi, Portrait du Colonisé, Buchet-Chastel, pp. 115-116. 21. Freud, L'Avenir d'une illusion. P.U.F., p. 20. 127

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