Memento - Les EMI

40 Ř La Recherche | MARS 2010 Ř Nº 439 ŻǼ*_(w=(` ( $( Y h`{ F(` ( ȅ ɰ > savoirs Steven Laureys, neurologue, est à la fois chercheur au Fonds national de la recherche scientifique de Belgique, où il dirige le groupe Coma, et professeur au CHU de Liège. Le groupe Coma réunit vingt-cinq chercheurs, des neuropsychologues, des anesthésistes, des neurologues, et des ingénieurs doctorants et post-doctorants. www.comascience.org 1 ȓ STEVEN LAUREYS : «On peut détecter la conscience dans le cerveau» Aussi incroyable que cela paraisse, des personnes prostrées Entretien après un coma ont donné des signes de conscience des années plus tard. C’est pourquoi l’on cherche à en débusquer les traces dans le cerveau. LA RECHERCHE : La définition de la conscience est-elle en train d’évoluer ? STEVENLAUREYS : Ladéfinitionde la conscience n’existepas.Il yadifférentes approches selonque l’on s’adresse àunphilosophe,àunmédecin,àun biologiste, à un ingénieur en intelligence artifi- cielle, etc. Et ces différences reflètent notre igno- rance : on ne comprend pas le phénomène. Et dans votre domaine, la neurologie ? S.L.: Il existe aussi plusieurs approches. Ainsi, en clinique, on pense savoir ce que cela veut dire quandondéclarequ’unepersonneest consciente. Elledoit êtreéveilléeet réagirà lacommande,c’est- à-direauxordresdonnéspar lemédecin.Parexem- ple s’il lui demande de pincer samain, elle doit le faire. Mais ce test a des limites: la personne peut ne pas obéir parce qu’elle est paralysée,sourde ou qu’elle ne comprend pas la commande. Dans la recherche, on se sert de différentes méthodes pour étudier la conscience. La plus uti- lisée approche le phénomène par soustraction : on présente des stimuli à des volontaires sains de manièreàcequelamoitiéseulementdeces stimuli soitperçueconsciemment,etonobserveavecl’ima- gerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) les différences d’activation des cerveaux dans les deux cas. Cela permet d’extraire ce qu’on pense être le corrélat neuronal de la conscience chez le sujet sain. En réalité, cela n’apporte des informationsquesuruneconscienceréduite,limi- téeàlaconsciencedevoiroupasunelettre,unmot, etc. Mais s’agit-il d’attention, de mémoire, ou de conscience?Uneautreapproche–et c’est celleque nouspartageons–consisteàétudierlephénomène danssaglobalité,notammentens’intéressantaux états altérés de conscience, par exemple dans le coma, sous anesthésie ou lorsqu’on dort. Qu’a-t-on déjà compris avec cette approche du phénomène dans sa globalité ? S.L.: Nosmoyensdemesuresesontaméliorés,grâce à la neuro-imagerie. Nous avons compris que la consciencesepassedansunréseau(lire«Leréseau de laconscience»,p.47).Ce seraitunepropriétéqui émerge à partir d’assemblées de neurones dans un vaste réseau reliant plusieurs zones du cortex dit associatif * – les régions préfrontales et tempo- ropariétales –, soit directement, soit en passant par le thalamus. On a observé lors de nombreuses expériences que ce réseau s’activemoins quand la personne n’est pas consciente. Et dans ce réseau, à l’arrière du préfrontal, se trouve une région parti- culièrement intéressante: elle comporte le précu- neus et le cortex cingulaire postérieur, et c’est elle quis’activeleplusquandlapersonneestconsciente et qui est la plus atteinte lors d’une série d’états altérés de conscience. Cette région semble donc être un nœud critique du réseau. Mais ce qui est important,ce n’est pas tant l’activité spécifique de chaque régionque leur connectivité,c’est-à-dire la manière dont elles dialoguent entre elles directe- ment et aussi via le thalamus.Or onne connaît pas le code neuronal de ce réseau, ni comment fonc- tionne cette communication. Aujourd’hui, on sait donc où se passe la conscience,mais il nous reste à *LE CORTEX ASSOCIATIF est la partie supérieure du cortex, qui donne du sens aux informations sensorielles venant du cortex primaire.

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